Chronique n°10 « Vivement le temps des cerises ! » : « Ça va mieux en le disant… »

VIVEMENT LE TEMPS DES CERISES !
Chronique du combat pour la solidarité et la coopération
au milieu de la crise sanitaire et sociale, printemps 2020

 

Chronique numéro 10 : « Ça va mieux en le disant… »

Publié le 25/04/2020 // Rédigé par Fabrice OLIVET & Alain MOREL

Autant le reconnaître, les malentendus, au sens étymologique du terme, sont nombreux entre ce que vivent les usagers de drogues dans leur diversité, et les conceptions qu’ont les autorités publiques des comportements d’addiction. Les professionnels de santé se trouvent, souvent entre les deux, à l’écoute des usagers mais avec des filtres qui ne les rendent pas toujours prêts à entendre ce que les usagers ont à dire sur ce qu’ils font avec les drogues et pourquoi. Question de « distanciation sociale » et culturelle ? En tout cas, paradoxalement, la distanciation aujourd’hui imposée par le Covid-19, en suscitant d’autres formes de relation et de communication crée, peut-on espérer, une attention moins formatée, plus authentique, plus directe.

Parmi les malentendus, deux sont au premier plan. Tout d’abord le filtre initial qui fait penser au professionnel que tout comportement d’usage traduit peu ou prou un mal être, une « maladie », une souffrance. Ce qui n’est pas ce que ressentent tous les usagers, loin de là. Le second malentendu est la conséquence directe de l’idée toute faite parmi les soignants (et dans l’opinion) selon laquelle, en matière de drogues illicites surtout, il n’y a que des « mésusages », que l’usage est en soi une erreur, une atteinte à sa santé, pour ne pas dire une faute morale ; soigner ne pouvant consister alors qu’à faire changer le mode d’usage pour le mener forcément à l’arrêt total, la gestion de l’addiction et la réduction des risques n’étant qu’un pis-aller.

C’est finalement ne voir dans l’usage de drogues qu’un non-sens. Et c’est oublier la part de satisfaction qu’il apporte. Comme, par exemple, la fonction réparatrice du high, ainsi que le disent les Anglo-Saxons. N’en déplaise aux institutions gouvernementales qui communiquent exclusivement sur les dangers de l’addiction, les citoyens « lambda » découvrent ou redécouvrent en ce moment les mérites des « apéro-Skype », font la queue devant les bureaux de tabac, et constituent les stocks nécessaires pour « ne pas manquer ». Les drogues, ne l’oublions pas, sont des moyens à notre disposition pour nous aider à traverser des moments difficiles. Des moments rendus encore plus difficiles par la répression accrue. Tout le monde le sait, mais ça va mieux en le disant… cela doit changer.

Fabrice OLIVET, directeur d’Asud
Alain MOREL, directeur général d’Oppelia

Co-ecrit à partir d’une réflexion de l’article de Fabrice Olivet COVID 19, les usagers consomment et gèrent des stocks. Publié dans Swaps n°94

 

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