Chronique n°4 « Vivement le temps des cerises ! » : Pour la prescription de TSO aussi, associer les savoirs médicaux et ceux des usagers, ça donne de très bons résultats !

VIVEMENT LE TEMPS DES CERISES !
Chronique du combat pour la solidarité et la coopération
au milieu de la crise sanitaire et sociale, printemps 2020

 

Chronique numéro 4 : Pour la prescription de TSO aussi, associer les savoirs médicaux et ceux des usagers, ça donne de très bons résultats !

Publié le 14/04/2020 // Rédigé par Alain MOREL

Avec le confinement, nous observons un accroissement du nombre d’usagers venant dans nos Centres pour demander la prescription d’un TSO (Traitement de Substitution des Opiacés). Nouveaux consultants ou anciens perdus de vue se fournissant sur le marché noir, cette démarche leur en coûte (même si nos consultations sont 100% gratuites), et s’ils se présentent anxieux c’est qu’ils craignent que notre réponse ne tienne pas compte de leurs difficultés et besoins spécifiques (dose, mode de consommation, éloignement, etc.).

Il est vrai que la définition – et la signature – d’une ordonnance relève du pouvoir et de la responsabilité du médecin. Dans le champ des addictions aux opiacés ce pouvoir est considérable, notamment pour les médecins addictologues qui ont le quasi-monopole de la « primo-prescription » de la méthadone. Pour le patient, cela signifie que le médecin détient le pouvoir de lui éviter ou pas de se retrouver en manque et de le maintenir dans une dépendance envers lui. Se soumettre ou être exclu… Pour échapper à ce « double lien », l’issue dépend d’abord du médecin et de sa capacité à établir les conditions d’une prescription collaborative.

Nombreux sont encore aujourd’hui les témoignages d’usagers qui rapportent les exigences parfois excessives des professionnels pour accepter de prescrire ces traitements. Sans parler des Centres spécialisés qui refusent systématiquement de prescrire du Sulfate de morphine, pourtant troisième éventualité de médicament de substitution après la buprénorphine et la méthadone. Mais il faut reconnaître que cette rigidité de certains médecins est induite par leur formation et qu’elle est pavée de bonnes intentions : sécuriser le traitement, appliquer les « guide lines », garder le contrôle et ne pas alimenter le marché noir des opioïdes.

Un exemple illustratif est celui de la discussion sur la dose d’initialisation (démarrage) du traitement méthadone. Ainsi, lorsque le nouveau consultant explique qu’il en prend déjà régulièrement 80 mg « sur le marché noir », sa hantise est de s’entendre répondre que la règle de la première prescription est de ne pas dépasser les 40 mg par jour. La moitié de sa dose habituelle… cela signifie qu’il va devoir commencer par un état de manque un traitement qu’il est venu demander justement pour éviter cet état douloureux et insupportable… Créer les conditions d’une prescription collaborative c’est, pour le médecin, afficher d’emblée sa volonté de répondre aux besoins de l’usager, ne pas le contraindre à se débrouiller seul, et, une fois l’examen clinique réalisé, lui prescrire une dose suffisante, dite de confort. Au fond, les choses sont simples, dès lors que s’installe une confiance suffisante. Le savoir dont a besoin le médecin qui prescrit un TSO est alors double : connaître les risques de part et d’autre, et savoir les gérer AVEC le patient.

Ce qui suppose de reconnaître à l’usager la pertinence de son expérience et chercher ensemble, de façon co-responsable, le meilleur compromis. C’est ça l’association des savoirs.

Alain MOREL, directeur général d’Oppelia, psychiatre

 

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