Chronique n°8 « Vivement le temps des cerises ! » : Les vulnérabilités sont diverses, nos réponses doivent le rester

VIVEMENT LE TEMPS DES CERISES !
Chronique du combat pour la solidarité et la coopération
au milieu de la crise sanitaire et sociale, printemps 2020

 

Chronique numéro 8 : Les vulnérabilités sont diverses, nos réponses doivent le rester

Publié le 21/04/2020 // Rédigé par Jean-Pierre COUTERON

L’addiction est parfois réduite à la seule « maladie du cerveau », tout se passerait au niveau du circuit de la récompense, ouvrant la piste à des réponses médicamenteuses ; elle est aussi résumée parfois à ses risques sanitaires et sociaux, de mieux en mieux connus, ce qui permet d’affiner les pratiques de RDR et d’enrichir le débat sur des politiques de régulation, comme celle sur l’alcool. Mais si, comme on peut l’observer, les addictions perdurent voire s’aggravent dans le contexte du confinement, c’est avant tout parce qu’elles ont une fonction adaptative : l’angoisse face à l’épidémie et l’impact du confinement (promiscuité, problèmes économiques, ambition et projets de vie bousculés, sociabilité mise à mal) sont autant de déclencheurs d’usage.

Il ne sert à rien de jouer les outragés et de nier ce qu’apporte la consommation d’une molécule. Cette incompréhension a provoqué l’arrêt du suivi et l’aggravation de certaines pathologies chroniques ou psychiatriques. Les vulnérabilités humaines sont diverses, les réponses doivent le rester.
Car si la fonction « positive » et « adaptative » des consommations de drogues est indéniable, il ne faut pas lui laisser le monopole du plaisir, du soulagement, de la sociabilité. Les abus, les risques et les dommages liés à ces consommations n’ont pas disparus, ainsi qu’en témoignent l’augmentation des violences ; le replis et l’enfermement sur les consommations, majorés par des situations familiales complexes ; les décompensations hypocondriaques ou anxieuses, les dérives complotistes et autres passages à l’acte.

L’accompagnement expérientiel a intégré depuis longtemps ces multiples visages des addictions. Avec sa vision globale, il fait le pari d’armer la personne en remobilisant son pouvoir d’agir, de lui ouvrir d’autres possibilités de réponse et des parcours de rétablissement qui ne stigmatisent pas l’usage. Cet accompagnement intègre de nombreuses composantes qui ont dû être adaptées aux nouvelles contraintes : téléconsultations et modification des règles de délivrance en pharmacie de ville pour garantir la continuité des traitements ; e-consultations psychothérapeutiques, dont durée, fréquence et horaires ont été adaptés ; ateliers de gestion expérientielle (AGEA) animés sur plate-forme internet, qui continuent d’apporter un support collectif et les outils de la psycho-éducation ; attention portée en équipe transdisciplinaire aux situations de reconsommations pour éviter des ruptures du soin ; soutien des familles et entourages. Cette mobilisation des équipes des CSAPA, CAARUD et autres CJC, en lien avec les différents forums d’aide et d’auto-support et les acteurs de la ville, aura ainsi montré tout l’intérêt de l’accompagnement psycho-social de ce large public, souvent oublié car ni dans la grande précarité sociale ni dans les complexités des comorbidités, et qui cherche dans l’usage la solution aux tensions de sa vie quotidienne.

Jean Pierre Couteron, Psychologue CJC et CSAPA Le Trait d’Union, Boulogne-Billancourt

 

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