Chronique n°18 « Vivement le temps des cerises ! » – Pour investir dans la santé, investir dans la coopération

VIVEMENT LE TEMPS DES CERISES !
Chronique du combat pour la solidarité et la coopération
au milieu de la crise sanitaire et sociale, printemps 2020

 

Chronique numéro 18 – Pour investir dans la santé, investir dans la coopération

Publié le 08/06/2020 // Rédigé par Alain MOREL

La crise sanitaire a révélé les capacités d’adaptation de notre système de santé mais en a aussi exacerbé les faiblesses. Plusieurs ne sont plus à démontrer : les inégalités sociales et territoriales, l’indigence des rémunérations de certaines catégories professionnelles, les cloisonnements entre les différents acteurs, le manque de démocratie sanitaire et de confiance accordée aux capacités d’agir des citoyens, et l’extrême déséquilibre d’investissement entre la prévention et les soins. Le « Ségur de la santé » a du pain sur la planche pour embrasser tous ces problèmes, mais il réunit des acteurs qui ont un haut sens de leur mission envers les autres. Cela devrait autoriser quelques espoirs, à condition toutefois que l’on parvienne à repenser le système de santé autrement qu’en remettant toujours l’hôpital au centre. Ce n’est pas gagné tant nos politiques et nos esprits sont hospitalo-obnubilés depuis des décennies.

L’hôpital est indéniablement l’un des piliers du système de santé, mais il ne peut pas tout et ne pourrait pas grand-chose sans l’autre, dit ambulatoire. Celui de la médecine de ville et des services médico-sociaux. Celui de ceux qui, au plus près des personnes et des populations, avec peu de lits et sans technologie lourde, ont assuré, avec le secteur social, des tâches essentielles durant la crise de ces derniers mois.

Si l’hôpital manque de moyens, la médecine de ville est, elle, mal structurée, laissant parfois des territoires entiers « désertifiés ». Le secteur médico-social est lui mal défini, notamment dans sa mission de service public, et mal reconnu, coincé et divisé en autant d’institutions aux sigles improbables que de publics et de « troubles spécifiques » : la dépendance des personnes âgées pour les EPHAD (confiés en majorité au privé lucratif), les troubles psychiatriques pour les CMP et CMPP (archi-débordés), les personnes handicapées pour les SAVS et les SAMSAH, les personnes en difficulté avec des addictions pour les CSAPA, CJC, CTR, CT et CAARUD, celles en pertes d’autonomie sociale et vivant avec une maladie chronique pour les ACT, les LAM, les LHSS, et quelques autres.

Outre son singulier manque de lisibilité pour le public, le problème du médico-social est moins celui d’une nécessaire adaptation aux différents publics, qu’une absence d’intégration réelle dans le système de soin global. Fondées sur une réponse aux besoins de la population dont elles s’occupent, les actions de ces équipes ne sont pas ou peu pensées dans la complémentarité au sein d’un ensemble commun. Leurs contacts avec la médecine de ville, quand elles en ont, sont le plus souvent limités à des prestations individuelles, et ne s’inscrivent guère dans une politique de prévention et de soins partagée.

Pourtant, beaucoup, sur le terrain, œuvrent pour que cela change, comme, par exemple, les signataires de l’appel d’« AVEC santé ». De son côté, la médecine de ville cherche à développer « un exercice coordonné » à partir des parcours de soins et s’organise en « Maisons de Santé Pluridisciplinaires », en « Centres de Santé », et en « Communautés Professionnelles Territoriales de Santé ». Du côté du médico-social – en tout cas celui que nous connaissons, en addictologie -, l’heure est aux pratiques intégrées, transdisciplinaires, à refonder la relation avec les usagers et renforcer l’écosystème local de solidarité.
Le temps est donc à l’investissement dans la coopération et la coordination. Ce dont le système de santé français a le plus grand besoin s’il veut relever l’immense défi des années à venir : inverser les priorités entre le soin et la prévention. Mais cela mérite une autre chronique. Le temps des cerises n’est pas encore terminé.

Alain MOREL, Directeur Général d’Oppelia

 

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