Chronique n°17 « Vivement le temps des cerises ! » – Du temps des cerises au bal du 14 juillet

VIVEMENT LE TEMPS DES CERISES !
Chronique du combat pour la solidarité et la coopération
au milieu de la crise sanitaire et sociale, printemps 2020

 

Chronique numéro 17 – Du temps des cerises au bal du 14 juillet

Publié le 27/05/2020 // Rédigé par Catherine DELORME

La crise sanitaire mobilise santé publique et sécurité publique, association qui semble privilégier l’une, la sécurité, sans pour autant garantir l’autre, la santé.
Tout a commencé par un « confinement » aux connotations de SANTE : se mettre en retrait pour prendre soin de soi, entre « care » et « cocooning ». Mais on nous déclarât en guerre. Fidèles à leurs prédécesseurs, les autorités dressèrent une ligne Maginot de mesures « barrières ». Le confinement devint cantonnement, le virus ne passerait pas et l’intendance, masques et test, suivrait. Au nom de la SECURITE, l’Autorité fut ferme, dosant culpabilisation, « venez dans les hôpitaux voir les morts » et sanctions à coup d’amendes nouvelles. Drones, hélicoptères et autres fantassins pistèrent les inconscients pour les contraindre par la force publique au nom de la santé publique. Un début d’exode fut contenu. Des renforts sanitaires montèrent des régions, tandis que des blessés y étaient évacués. Tous les soirs, un bulletin était diffusé. Aux fenêtres, les foules applaudissaient les héros, qui, au prochain bal du 14 juillet, après le défilé sur les Champs, la poitrine pudiquement ornée d’une médaille scintillante, enfouiraient leur visage fatigué du combat dans le creux protecteur d’une épaule amicale ou amoureuse…Il faudra bien re-peupler. Mais il faut dé-mobiliser, pardon, dé-confiner, sans faiblir, l’ennemi rodant toujours. La nouvelle doctrine SANTE (dépister/isoler/traiter) est confiée à des Brigades de Dépistage. Placées sous le patronage « d’anges gardiens », pour les différencier des BRAV (Brigade de répression de l’action violente), elles incarnent un dépistage massif dont les éléments de langage hésitent entre « tracking » (localiser les cas contacts) et tracing (tracer un parcours).

Cette sémantique guerrière se veut SECURISANTE par sa fermeté, mais elle enferme l’action publique sur un registre de culpabilisation/sanction d’une population ensuite jugée irresponsable. Une situation bien connue des acteurs de prévention où « lutter contre la drogue » est préféré à « travailler avec les personnes ». Ils savent que la guerre à la drogue s’est transformée en guerre aux drogués, et redoutent que la guerre au virus ne tourne en guerre au contaminant. D’autres pays ont préféré une stratégie de responsabilité sanitaire, fondée sur la SANTE COMMUNAUTAIRE. Cette approche est particulièrement probante quand il s’agit de prévention : elle mobilise et responsabilise les personnes qui partagent une communauté d’identité, de territoire, de pratiques et modes de vie. Elle les accompagne dans l’appropriation des comportements nécessaire à leur santé et à celle des autres. D’autres épidémies, différentes puisque se propageant par transmission et non contamination, ont démontré que la responsabilité n’est pas que du côté de l’autorité régalienne et de ses postures, que la collaboration avec les populations est plus efficace et même plus efficiente.

Sortons d’une logique de guerre pour appeler au combat pour la santé. La pédagogie ne s’y réduirait pas à faire savoir les bons comportements mais favoriserait l’accès à la connaissance et à l’appropriation. La mobilisation passerait par l’implication, plus que par la peur et la sanction. Plutôt que de surveiller qui se déplace dans l’espace public, on construirait avec les personnes et leurs entourages les moyens d’adopter des comportements responsables ; plutôt que de « traquer » des malades et leurs contacts, on tracerait AVEC eux leur parcours, pour identifier leurs contacts en garantissant confidentialité et prise en charge adaptée. Faire avec s’est toujours révélé plus efficace.
N’opposons pas santé publique et sécurité publique, la SECURITE SANITAIRE est leur objectif commun, en réduisant, voire stoppant la contamination. Au moment où ces lignes sont rédigées, le ministre de la santé déclare que « Le temps d’un re-nouveau est venu ». Et puisque ce temps nouveau est un temps de préfixes (re-déployer, dé-confiner…, coincés entre l’envie de re-produire et de dé-construire, saisissons l’occasion pour la santé publique de construire une éthique commune avec la sécurité publique, reprenant la question à laquelle le philosophe François JULLIEN invitait à réfléchir : Que faisons- nous aujourd’hui : est-ce qu’on reprend ou est-ce qu’on poursuit ?

 

Catherine DELORME Directrice Oppelia- Trait D’Union 92 CSAPA-AT- CTR- ACT

 

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