Chronique n°15 « Vivement le temps des cerises ! » – Faire la fête pour sa santé ?

VIVEMENT LE TEMPS DES CERISES !
Chronique du combat pour la solidarité et la coopération
au milieu de la crise sanitaire et sociale, printemps 2020

 

Chronique numéro 15 – Faire la fête pour sa santé ?

Publié le 18/05/2020 // Rédigé par Lilian BABÉ et par Jean-Pierre COUTERON

 

Qu’est devenue la fête ces dernières semaines ? Le confinement, sa limitation du lien social et les peurs nourries par l’épidémie ont engendré un repli sur soi. Il se voulait protecteur, mais chacun gardait en soi un fardeau aux multiples visages tour à tour familial, professionnel ou amical. Chacun devait se débrouiller pour en gérer le poids, sans déranger l’autre. Pourtant, au fur et à mesure que les semaines passaient, le repli sur soi a fait place à l‘envie d’être ensemble et de porter ce fardeau à plusieurs. La fermeture des musées, théâtres, bars, cinémas l’annulation des festivals et autres grands rassemblements, indispensable pour limiter la propagation du virus, aurait pu tuer l’esprit de la fête, mais il n’en est rien. Les visites se sont virtualiséess, des artistes se sont produits sur le net. Comme les retrouvailles de la sphère familiale ou des groupes d’amis, des communautés artistiques ont partagé autrement le plaisir d’être ensemble.

Ces événements se transforment en renouant avec le passé des Drives Parc des années 30, à l’instar des Drive Fest au Canada ou au Danemark. La fête, en s’adaptant au confinement, a rappelé combien son partage participe de la santé de l’homme.

Les mesures d’interdiction et de contrôles qui rythment désormais nos vies avec le virus, ont amorcé une métamorphose festive qui va au-delà de sa simple « virtualisation ». Ces fonctions habituelles de la fête (régulatrice des tensions sociales et des angoisses, créatrice de lien social, renforçatrice d’appartenance et constructrice d’identité dans un contexte ordinaire) opèrent sur un principe d’inversion : sortir du normal, d’où les liens fête/excès, exceptionnel, etc.., puis retour à la normalité. Or rien n’est ordinaire dans ce que nous traversons aujourd’hui : c’est la fête, alors que la mort rode. Et puisque métaphore « guerrière » il y eut, c’est la fête, entre deux combats pour les uns, dans l’indifférence des risques pour les autres, comme de tous temps pendant les guerres. Tout cela nous rappelle que la fête trouve aussi sa source dans nos incertitudes et nos inquiétudes face à un retour à la norme encore incertain. Retour qui lorsqu’il aura lieu, laissera la place à de nouveaux excès, une nouvelle recherche de Liberté, une envie de renouer avec le monde d’avant. Il faudra penser autrement qu’en termes de répression/culpabilisation l’accompagnement des premières célébrations du déconfinement, alliant l’intervention précoce et la réduction des risques pour reconnaitre le rôle thérapeutique de la fête : aider à la santé en faisant aimer la vie, sa légèreté, quand à nouveau s’oublie la mort…ce qui reste une des conditions de la vie.

 

Lilian Babé, Directeur CSAPA – CAARUD Oppelia Passerelle 39, Lons le Saunier (39)
Jean Pierre Couteron, Psychologue Clinicien, CSAPA Oppelia Trait D’union, Boulogne (92)

 

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