Chronique n°14 « Vivement le temps des cerises ! » – Addiction : familles et adolescents, du confinement à la liberté retrouvée

VIVEMENT LE TEMPS DES CERISES !
Chronique du combat pour la solidarité et la coopération
au milieu de la crise sanitaire et sociale, printemps 2020

 

Chronique numéro 14 – Addiction : familles et adolescents, du confinement à la liberté retrouvée

Publié le 14/05/2020 // Rédigé par Hubert BRECHET et par Aude STEHELIN 

 

La linguistique apporte souvent matière à réflexion. « Confinement » en anglais trouve plusieurs significations dans la langue française. Si les premières paraissent évidentes « enferment », « emprisonnement », une pour le moins interroge : « l’accouchement ».

Ces temps complexes de confinement contraignent à de nouvelles interactions familiales. La part de l’intime, de l’espace intime, s’en trouve restreint, chacun étant en permanence dans le champ de perception de l’autre, par le regard autant que par la parole. L’homéostasie du système familial est questionnée. Les parents d’adolescents consommateurs réguliers font face à ce nouvel autre qu’ils découvrent et qui génère souvent inquiétudes et craintes tout en les renvoyant à la notion de faute, de culpabilité. Les pratiques addictives de leurs enfants deviennent réelles, tangibles, parfois insupportables… alors ils appellent, inquiets, ont besoin d’aide…interrogent, s’interrogent.

Pour l’adolescent, cet « enferment » résonne comme un « emprisonnement ». Son espace de découvertes, d’expérimentations, de prise de plaisir, de partage et de rencontre avec des pairs hors de la vue de l’adulte, du parent, pour tendre vers une autonomisation, lui est confisqué. Ceux qui avaient l’habitude de se confiner devant leur écran vont particulièrement apprécier cette période : pour une fois que l’on ne leur reproche de ne pas d’être dehors. Mais pour ceux qui sont consommateurs réguliers d’alcool ou de cannabis, l’exposition à l’autre générée par le contexte va être source d’angoisse et d’oppression.

Dans cette situation de réclusion, chacun doit gérer cette injonction paradoxale : se confiner pour se protéger et se mettre en danger dans une communication contrainte voire obligatoire. Il va falloir se supporter, dans tous les sens du terme, gérer l’anxiété inhérente à la pandémie et construire un vivre-ensemble créatif. Cela impose de redécouvrir la dimension familiale dans ce qu’elle a de collectif, de partage, et non comme la somme d’individus, côte à côte sous le même toit. L’habitus s’en trouve bouleversé, cela met à mal chacun et nécessite de construire de nouveaux repères.

Si « accouchement » il y a, c’est dans un nouveau dialogue dont témoignent leurs appels à l’aide, parents autant qu’adolescents. La période pousse au changement. Elle vient ébranler des certitudes, des habitudes, oblige à adapter les règles car le jeu n’est plus le même. Elle nous rappelle nos capacités d’adaptation, elle nous impose de communiquer autrement, d’être attentif, attentionné. Le « prendre soin », ce « care » anglais au cœur de nos accompagnements, est devenu une des maximes médiatiques de ces temps nouveaux. Faisons qu’au-delà du discours, il devienne, réellement, une pratique de tous.

 


Hubert Brechet, Directeur d’APT15 (Cantal) et Aude Stehelin, Psychologue au Trait d’Union (92)

 

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