Chronique n°1 « Vivement le temps des cerises ! » : Pour les personnes dépendantes, leur produit est de première nécessité

VIVEMENT LE TEMPS DES CERISES !
Chronique du combat pour la solidarité et la coopération
au milieu de la crise sanitaire et sociale, printemps 2020

 

Chronique numéro 1 : Pour les personnes dépendantes, leur produit est de première nécessité

Publié le 08/04/2020 // Rédigé par Alain MOREL

 

Pour les personnes dépendantes, les temps de confinement sont particulièrement difficiles. Certains, y compris parmi les responsables administratifs et politiques sont tentés de croire que ce serait le moment d’imposer l’abstinence voire de prononcer le grand retour de la prohibition de l’alcool. Certains Préfets ont même signé des arrêtés dans ce sens, mais ils ont généralement vite compris que ce n’était pas en imposant une contrainte majeure de plus que l’on pouvait aider ces personnes.

Chacun entreprend un chemin personnel pour « gérer » ou pour « sortir » de son addiction. Mais plus le contexte est anxiogène, plus ce chemin est difficile. Rares sont, par exemple, les sevrages d’alcool qui aboutissent dans un contexte de stress et de solitude.
La « crise du sida » avait commencé à faire prendre conscience de cela, en France, dans les années quatre-vingt-dix : les « toxicomanes » n’ont pas besoin de discours moralisateurs et encore moins de poursuites pénales, pour aller mieux, ils ont besoin d’être considérés comme des citoyens à part entière et qu’on leur donne accès aux moyens de se protéger. C’est ce qui s’appelle la réduction des risques. On la redécouvre aujourd’hui. Mais on bute plus que jamais sur une limite, celle de l’accès aux produits.

Si on est dépendant du tabac, il ne fait de doute à personne qu’en temps de confinement, mieux vaut pouvoir se fournir d’avance en cigarettes ou pouvoir accéder librement à une boutique de vapotage.

Si on est dépendant des opiacés sous traitement, mieux vaut avoir ce qu’il faut en médicaments de substitution (méthadone, buprénorphine ou morphine) et ne pas craindre l’état de manque. Mais si on est dépendant de produits pour lesquels on ne dispose pas de substitut, comme le cannabis ou la cocaïne par exemple, on fait comment ? Il apparaît au grand jour que ces inégalités de traitements entre dépendances ne tiennent pas et qu’aussitôt que possible il nous faudra reprendre le travail sur la légalisation d’un système régulé et cohérent d’accès aux produits psychoactifs. Un système qui inclut mais ne se limite pas à un accès sur ordonnance médicale.

Alain MOREL, directeur général d’Oppelia, psychiatre

 

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