Une nouvelle structuration du rapport d’activités Oppelia
Vous pensiez connaître Oppelia ?
En lisant ce rapport d’activités 2020, vous allez en découvrir bien plus que vous n’imaginiez !
Plutôt que de juxtaposer les activités des différentes structures, de plus en plus nombreuses, nous avons choisi depuis 2019 de présenter les activités de façon plus transversale, avec des exemples concrets, des focus sur des innovations et des événements particuliers, afin de donner une vision plus globale de l’association.
Cette année, ces éclairages sont évidemment axés sur la crise sanitaire liée à la COVID 19 et à la capacité d’adaptation et de réaction que toutes les équipes d’Oppelia ont su mettre en œuvre.
Pour construire cette arborescence nous nous sommes basés sur notre projet associatif et notre plan stratégique.
>> Télécharger le rapport d’activités 2020 d’Oppelia
ANNÉE 2020 AN 01 ?
L’année 2020 restera, faut-il l’espérer, comme le début de la fin d’un monde. Un monde qui a perdu la notion de l’essentiel au point de considérer que la santé est un moyen pour mieux travailler et produire, alors que produire et travailler devraient être, dans une société démocratique et humaniste, au service de la santé de tous. Mais comment trouver le courage auquel appelle cette prise de conscience ? Le courage dont nous avons besoin pour changer et se « rétablir », à l’image des « usagers » de nos services qui le font au quotidien malgré de nombreux obstacles ? Jusqu’où pouvons-nous, devons-nous, « réinventer » notre présent, notre mode de vie, notre avenir ?
Le projet associatif d’Oppelia ouvre quelques pistes : si nous sommes capables de coopérer et de partager, d’installer une pensée et une intelligence collective, de mobiliser notre « pouvoir d’agir » individuel et collectif, là où nous sommes, là où nous intervenons, nous transformons le réel, nous sommes acteurs de transformation et d’émancipation sociale.
Dès le début du confinement, toutes les équipes d’Oppelia ont décidé de continuer d’agir auprès des personnes les plus en difficulté, mais aussi d’observer, et de partager pour tirer toutes les leçons d’une situation sociale extra-ordinaire s’imposant à toutes et tous. Des espaces spécifiques ont été créés sur le site d’Oppelia, comme la chronique « vivement le temps des cerises », ou par visio, tel le « groupe d’analyse et de suivi des pratiques » réunissant professionnels, usagers et administrateurs. Oppelia a également participé à de multiples espaces de partage collectifs avec d’autres associations comme la Fédération Addiction ou ASUD (auto-support des usagers de drogues) afin de penser ensemble l’expérience de prendre soin, au-delà de la Covid-19, de la « distanciation », des incertitudes et des peurs.
Qu’en ressort-il ? La conviction d’entrer dans une ère nouvelle en amplifiant certaines évolutions, en adoptant de nouvelles perspectives aux confins de ce que nous imaginions possible et en mettant à l’œuvre de nouvelles modalités d’actions.
La première de ces voies concerne l’usage massif des outils de communication numériques. Cette découverte pour beaucoup d’entre nous ouvre des perspectives dans de multiples domaines de nos activités et de nos modes de travail. Ainsi, le siège d’Oppelia et toutes les structures se sont équipées pour assurer des vidéoconférences, participer à des webinaires, des formations et des groupes d’échange, concevoir de nouveaux MOOC, faciliter le télétravail. Mais la communication en distanciel doit rester au service du lien social et de la coopération – celle avec les usagers en particulier, et celle au sein des équipes de professionnels. Nous avons par ailleurs un rôle à jouer pour réduire la fracture numérique qui en sape les bénéfices pour la démocratie.
La seconde voie est celle de la proximité et de l’approche communautaire en santé sur les territoires. Foin de grand soir là non plus, mais la certitude que les relations d’aide et d’entraide doivent aujourd’hui passer par l’expression des populations, le communautaire, l’aller vers, l’être avec, l’accessibilité, la disponibilité, l’accompagnement médico-psycho-social en soutien tout au long du parcours. Il est devenu d’une importance capitale de rendre visible cette mission de service public que réalisent les services médico-sociaux en addictologie avec d’autres. Avec la médecine de ville et ses pratiques coordonnées modernes, avec d’autres types de services médico-sociaux, nous sommes l’une des composantes du service public de santé dit « ambulatoire ». « La santé c’est plus que l’hôpital » ont lancé plusieurs associations dans un appel/pétition dans lequel nous nous retrouvons totalement.
La troisième voie est celle de la qualité de la relation entre les services professionnels et les usagers. C’est à vrai dire le changement premier qui conditionne tous les autres. Car c’est seulement grâce à cette alliance nouvelle entre professionnels, personnes accompagnées et population que le pôle de santé de proximité, non hospitalier, trouvera une réelle crédibilité. La crise du Covid l’a montré : l’infantilisation des usagers, le pouvoir excessif donné aux savoirs experts institués mènent à la démobilisation quand ce n’est pas à la méfiance et à la défiance. Plutôt que de cloisonner, séquencer, conditionner selon des « seuils » et enjoindre les usagers à l’observance, il s’agit de fonder la relation sur la reconnaissance des besoins et de l’expérience des usagers, sur la coopération et l’association des savoirs. Cette voie, Oppelia l’a déjà entreprise depuis quelques années, mais nous ressentons le besoin d’aller plus loin.
La quatrième voie est celle du rééquilibrage du système de santé pour inverser les priorités politiques et financières qui, depuis des décennies, ont mis le curatif, les soins médicaux et donc l’institution hospitalière au centre, au détriment de la promotion de la santé, de la réduction des risques et de l’accès aux soins. Nous venons d’en avoir une nouvelle confirmation : les populations qui ont un recours facilité aux services de santé mais aussi à un environnement favorable à l’éducation et à la culture résistent mieux aux virus comme aux maladies. En 2017, en France, l’ensemble des dépenses de prévention représentaient à peine 15 milliards d’euros pour une dépense totale de santé de 271 milliards. Dans ce champ comme dans les autres, les décisions politiques ne seront prises que si les acteurs locaux et associatifs sont capables de montrer l’intérêt et la portée collective des programmes d’éducation préventive et d’intervention précoce qu’ils développent. Il nous faut continuer d’y consacrer une grande partie de nos forces et de nos capacités à les réunir avec d’autres. De son côté, le pouvoir politique est face à ses responsabilités et devra consacrer (enfin !) les moyens financiers, humains et organisationnels nécessaires pour sortir la prévention de l’ornière dans laquelle elle se trouve et de sa fragilité structurelle dans notre pays.
À voir le nombre de nous qui émaillent cet éditorial, sa conclusion s’impose. Ce que nous faisons, ce que nous devons faire, c’est fabriquer du nous, davantage encore. Pas un nous identitaire, contre ou en concurrence par rapport à « eux », mais un nous issu de l’intelligence et de l’action collective, un nous égalitaire, ouvert et coopératif.
Alain MOREL
Directeur général d’Oppelia