De la RdR Tabac par l’e-cigarette (la vape)

Retour sur une expérience au CSAPA de Villeneuve la Garenne

Gwendal BÉRANGER, Dr Cristina MURESAN, Dr Florence GIANG, Pierre CHAPPARD

En dépit des risques de santé avérés, le tabac était en marge de l’accompagnement des patients dans notre CSAPA, pourtant généraliste. La cigarette électronique, d’abord introduite par les

patients en salle d’attente (et les professionnels en réunion), a permis à l’ensemble des professionnels de réfléchir à la problématique tabac de nos patients et de proposer une recherche-action de réduction des risques sur trois mois.

Après des entretiens d’inclusion par le médecin, qui se font en fonction de la motivation des personnes à l’arrêt du tabac et de leurs problématiques de santé (BPCO, bronchites..) , quinze personnes du centre ont obtenu une e-cigarette de qualité (80 euros) moyennant une caution de 20 euros (pour responsabiliser la personne). Elles rencontraient ensuite un éducateur pour le prêt et les explications sur l’utilisation de l’e-cigarette et devaient s’engager à un suivi régulier sur trois mois. Afin d’acquérir les e-cigarettes et les e-liquides, le CSAPA avait au préalable effectué un partenariat avec une boutique spécialisée à proximité du centre.

Téléchargez intégralement l’article en entier, article publié dans le Flyer


Cette action est née à la suite de divers constats de « terrain » observés au sein du CSAPA :

  • Les problématiques pulmonaires et les insuffisances respiratoires sont de plus en plus fréquentes chez un public vieillissant mais l’addiction tabagique est jusqu’à présent peu prise en compte au sein du CSAPA.
  • Beaucoup de nos patients ont des ressources faibles mais il faut un investissement conséquent de 150 euros pour commencer le vapotage et choisir son e-liquide. Avoir une cigarette électronique de qualité est un gage de réussite de l’arrêt du tabac.
  • Avoir une bonne cigarette électronique ne suffit pas. Il faut aussi de la technicité (changer les résistances) pour que la transition vers la vape se passe bien.
  • L’utilisation de l’e-cigarette comme outil de RdR/tabac émane des usagers. Cet outil issu du savoir expérientiel des usagers correspond aux valeurs du CSAPA.

Afin de suivre l’évolution des patients, les vapoteurs reçevaient un « carnet de vapotage », dans lequel figurait l’évolution de leur taux de monoxyde de carbone, leur dosage e-liquide, le nombre de cigarettes fumées et le contexte. Au fur et à mesure de l’expérience, on pouvait ainsi notifier quantitativement et qualitativement le parcours de la personne. Ce carnet de vapotage était un moyen d’évaluer les progrès mais aussi un moyen de discussion entre le vapoteur et le travailleur social.

En fin d’expérience, les personnes pouvaient conserver leur e-cigarette par une contribution complémentaire de 20 euros. Les vapoteurs obtenaient ainsi du bon matériel, qu’ils savaient utiliser, pour 40 euros. Au bout des trois mois, sur les 15 participants, 12 ont conservé leurs e-cigarettes dont 9 l’utilisent en complément de cigarettes. 3 utilisent exclusivement leurs e-cigarettes et ont arrêté de fumer.

Au terme de cette étude, il nous a semblé opportun de procéder à une évaluation avec les usagers et les professionnels. Ainsi de nombreux axes ont pu être développés afin d’améliorer les sessions suivantes :

  • Orientation des vapoteurs vers des ressources extérieures (boutique, internet) pour qu’ils puissent être autonomes au niveau technique comme au niveau du matériel.
  • Et, en même temps, permettre à certains usagers de continuer à avoir une assistance technique (e-liquide et résistance fournis par le CSAPA) même après l
  • eur préférences et astuces sur le
    a session.
  • C’est aussi pour certains de nos patients dans la précarité une incitation à continuer à vapoter.
  • Faciliter et encourager l’auto-support entre vapoteurs au sein du CSAPA : nous avons permis aux vapoteurs de se réunir dans le CSAPA pour échanger lvapotage, pour fabriquer du e-liquide qui revient moins cher (DIY).

Enfin, nous avons permis aux professionnels du CSAPA de suivre le programme (prêt d’une e-cigarette) pour qu’ils puissent monter en compétence et devenir « expert » vapoteur pour à nouveau suivre les patients. Cela leur a montré également l’intérêt de l’auto-support en CSAPA. Avec l’arrivée du CBD (cannabidiol) en e-liquide, nous sommes en train de monter le même type de
programme pour les patients qui ont envie de réduire ou d’arrêter de fumer du cannabis.

Le projet vapotage a créé une synergie au sein du CSAPA et, en dehors du projet, de nombreuses personnes fréquentant le centre ont acquis une cigarette électronique car ils en ont entendu parler dans notre CSAPA, notamment dans la salle d’attente/accueil. C’est un projet qui dorénavant, aux yeux des usagers et des professionnels, fait partie intégrante du centre.

 

Commentaire sur l’expérience du CSAPA de Villeneuve-la-Garenne

Jacques Le Houezec, Scientifique et tabacologue

Si le tabagisme a longtemps été laissé de côté dans la prise en charge des personnes dépendantes à d’autres substances, il est notable que depuis plusieurs années l’aide à l’arrêt ou à la réduction du tabagisme est d’actualité dans beaucoup de structures de type CSAPA. L’essor de la vape (plutôt que « cigarette électronique », car vaper n’est pas fumer) a certainement contribué à un développement plus important de la prise en charge du tabagisme chez les personnes fréquentant ces CSAPA. Souvent parce que la vape avait d’abord été découverte par les soignants eux-mêmes.

Plusieurs initiatives similaires à celle du CSAPA de Villeneuve-la-Garenne sont en cours. La Vape du Cœur (www.lavapeducoeur.fr) œuvre aussi dans ce sens en intervenant dans diverses structures. Bien que la vape se soit développée par l’entre-aide (auto-support) sur les réseaux sociaux, il est important qu’une aide en face à face puisse se faire lorsque cela est possible. Malheureusement, trop d’erreurs sont commises lorsque ces conseils viennent de vapoteurs confirmés (qui oublient souvent avec quoi ils ont commencé la vape) et même de certaines boutiques spécialisées
mais non formées. De l’expérience de Villeneuve-la-Garenne rapportée ici, il est évident que certaines erreurs ont été commises, comme le fait d’utiliser un matériel trop « aérien » (qui de plus est plus coûteux à l’achat), ou d’utiliser des liquides « maison » (DIY pour Do It Yourself) qui à cause des limitations imposées par la Directive européenne (20 mg/ml au maximum dans une fiole de 10 ml) ne permet pas de faire des liquides suffisamment dosés (on obtient au maximum du 6 mg/ml en faisant son liquide).

Pour que le passage à la vape soit « facile », il faut y trouver un plaisir qui doit devenir supérieur à celui de la cigarette. L’expérience empirique que j’ai acquise en passant de nombreuses heures en boutique de vape, montre qu’il faut utiliser au début un matériel simple et efficace, mais dont le tirage reste proche de celui d’une cigarette (pour la très grande majorité des fumeurs). En passant à la vape le fumeur va tousser parce que la nicotine et le propylène glycol contenus dans le liquide sont un peu irritants (ce qui n’arrive pas quand on fume car il y a des substances anesthésiantes
dans la fumée, dont le menthol présent à faible dose même dans les cigarettes non mentholées). Il faut donc lui apprendre à vaper. Il doit y avoir le moins d’air possible dans une bouffée, car c’est le mélange air-vapeur qui fait tousser. La bouffée doit être plus longue et plus lente que sur une cigarette et bien se remplir la bouche de vapeur.

Selon les résultats de l’expérience présentée par le CSAPA de Villeneuve-la-Garenne, le pourcentage annoncé de 20% d’arrêt total du tabac pourrait être amélioré en prenant en compte cette approche de la vape. C’est d’ailleurs dans ce but que j’ai mis en place des formations (sur la nicotine et la vape) à la fois pour les boutiques de vape, mais aussi pour les professionnels de santé. La vape est un outil formidable de RdR et peut sauver de nombreuses vies, à condition d’avoir les bon conseils au départ. Il est important d’essayer d’arrêter de fumer le plus rapidement possible (éviter de faire les deux, car le cerveau comprend vite qui apporte la nicotine le plus rapidement) et, pour cela, d’utiliser un dosage en nicotine le plus élevé possible et, si nécessaire, d’associer un patch pour obtenir un complément (pour ceux qui fument plus d’un paquet par jour, ce qui est souvent le cas pour la population des CSAPA).

 

La Ministre de la Santé Agnès Buzyn a donné sa position

Sur Europe 1, le 1er juin 2018, la Ministre de la Santé Agnès Buzyn a donné une position assez claire, voire nouvelle, sur la cigarette électronique. Le combat pour faire reconnaitre la Vape n’est pas gagné, mais il y a du mieux.
Ces derniers mois, bon nombre de fumeurs ont délaissé le tabac pour la cigarette électronique. Un outil de sevrage efficace, pour Agnès Buzyn, qui n’hésite pas à promouvoir la méthode. La France
compte un million de fumeurs en moins. Une excellente nouvelle pour la ministre de la Santé Agnès Buzyn, qui a fait de la lutte contre le tabagisme son cheval de bataille. Parmi ce million de
fumeurs en moins sont dénombrés ceux qui ont désormais opté pour la cigarette électronique. Une méthode qu’encourage la ministre, vendredi matin sur Europe 1.


« Nous n’y sommes pas opposés »
. Pour Agnès Buzyn, « chacun doit trouver son bon outil de se sevrage. « Il n’y a pas une recette unique : certains ont besoin de patchs, d’autres de chewing-gum, d’autres s’arrêtent du jour au lendemain, d’autres ont besoin de la cigarette électronique car ils sont attachés au geste ».  » Nous promouvons tout ce qui peut aider à arrêter de fumer », assure la ministre. Pourtant, la cigarette électronique est parfois décriée quant à sa toxicité supposée. « Nous ne connaissons pas très bien la toxicité de la cigarette électronique à long terme, mais c’est clairement moins toxique que le tabac », assure Agnès Buzyn. Et d’ajouter : « s’il faut en penser par-là, nous ne sommes pas opposés bien entendu ».

 

Téléchargez intégralement l’article en entier, article publié dans le Flyer